dimanche 8 juillet 2007
La génétique : un rendez-vous crucial.
Éditorial de Federico Mayor
Septembre 1999
Source : http://www.unesco.org/courier/1999_09/fr/edito/intro.htm
On doit pouvoir compter sur les doigts d’une main les découvertes scientifiques fondamentales, susceptibles de déboucher sur une technologie qui, en fin de compte, ne fut jamais appliquée. Cette leçon de l’histoire nourrit certainement les inquiétudes des responsables politiques, des chercheurs et, au-delà, de l’opinion publique, face aux immenses avancées des biotechnologies.
Les progrès fulgurants de la science permettent de pénétrer au cœur du vivant, en mettant peu à peu au jour les mécanismes essentiels de la vie. Les technologies que ce savoir génère dotent surtout l’humanité, pour la première fois, des pouvoirs vertigineux de transformer les processus de formation et de développement de l’être humain et donc, à terme, de l’espèce humaine. Et il est techniquement vrai que, dans le pire des scénarios heureusement fort improbable, ces transformations pourraient conduire à la résurgence, dans des formes encore plus efficaces, des pires programmes eugénistes de ce siècle, qu’on espérait irrémédiablement enterrés.
Mais l’histoire démontre également que tout aussi rares sont les technologies nouvelles dont l’utilisation ne s’est pas accompagnée de règles, autrement dit d’un encadrement visant à en tirer le meilleur usage et à interdire le pire. Car l’humanité a toujours progressé en étant poussée par les vents de la liberté, y compris celle de chercher et d’entreprendre, mais aussi en se fixant délibérément un cap, pour qu’ils la portent dans la bonne direction et la tiennent à l’écart de limites infranchissables. Les biologistes ont tenu leur rôle: ils ont ensemencé un immense champ de possibilités. C’est désormais aux sociétés de n’aller y moissonner que le bon grain. La révolution des biotechnologies convie l’humanité au rendez-vous crucial de la science et de l’éthique.
Pour celles qui concernent la reproduction humaine, comme pour les technologies en général, le cap à suivre découle du respect de trois principes fondamentaux et interdépendants: la dignité, la liberté et la solidarité.
Pour respecter la dignité humaine, chaque individu doit rester unique. Cette position a des conséquences immenses en matière de procréation humaine. Elle interdit d’abord le clonage à des fins de reproduction, puisque cette technique, imminente, consiste à «dupliquer» génétiquement un être existant.
Plus largement, prédéterminer les caractéristiques fondamentales d’un être à venir, en particulier pour chercher à «améliorer» ses futures capacités physiques ou intellectuelles, est contraire à l’essence même de chaque individu. Cette manipulation aboutirait, en effet, à le priver de ce qui n’appartient qu’à lui seul: l’alchimie mystérieuse qui préside à la naissance de son patrimoine génétique, unique, puis sa propre évolution, unique aussi, en fonction de ce patrimoine de départ et de son environnement.
Les progrès des tests prénataux et des thérapies sur l’embryon peuvent placer les parents face à des décisions aussi nouvelles que graves. Or, le risque existe qu’émergent, formellement ou non, des pressions de toutes sortes, voire même des règles pour que la vie ne soit donnée qu’à celles et ceux qui s’inscriraient dans une sorte de «génétiquement correct». Ce serait totalement inacceptable. Nul pouvoir, qu’il soit politique, moral, voire économique, ne peut prétendre édicter un tel «ordre génétique», encore moins l’imposer.
En conséquence, le principe de solidarité doit être affirmé avec encore plus de force. Il serait inacceptable que les thérapies génétiques dessinent une nouvelle ligne de discrimination entre ceux qui, pour quelque raison que ce soit, pourraient et voudraient en tirer parti, et ceux qui en seraient écartés, le plus souvent faute de moyens.
Le danger d’un génie génétique débridé, non contrôlé, est de plus en plus présent. Mais nous commençons à voir poindre un nouveau type de génie génétique, empreint de responsabilité, une nouvelle discipline dans laquelle le pouvoir de la science est assujetti au pouvoir de l’éthique. Une éthique au profit de tous et non point seulement de quelques-uns, au profit des générations futures et non seulement à court terme.
RD
Septembre 1999
Source : http://www.unesco.org/courier/1999_09/fr/edito/intro.htm
On doit pouvoir compter sur les doigts d’une main les découvertes scientifiques fondamentales, susceptibles de déboucher sur une technologie qui, en fin de compte, ne fut jamais appliquée. Cette leçon de l’histoire nourrit certainement les inquiétudes des responsables politiques, des chercheurs et, au-delà, de l’opinion publique, face aux immenses avancées des biotechnologies.
Les progrès fulgurants de la science permettent de pénétrer au cœur du vivant, en mettant peu à peu au jour les mécanismes essentiels de la vie. Les technologies que ce savoir génère dotent surtout l’humanité, pour la première fois, des pouvoirs vertigineux de transformer les processus de formation et de développement de l’être humain et donc, à terme, de l’espèce humaine. Et il est techniquement vrai que, dans le pire des scénarios heureusement fort improbable, ces transformations pourraient conduire à la résurgence, dans des formes encore plus efficaces, des pires programmes eugénistes de ce siècle, qu’on espérait irrémédiablement enterrés.
Mais l’histoire démontre également que tout aussi rares sont les technologies nouvelles dont l’utilisation ne s’est pas accompagnée de règles, autrement dit d’un encadrement visant à en tirer le meilleur usage et à interdire le pire. Car l’humanité a toujours progressé en étant poussée par les vents de la liberté, y compris celle de chercher et d’entreprendre, mais aussi en se fixant délibérément un cap, pour qu’ils la portent dans la bonne direction et la tiennent à l’écart de limites infranchissables. Les biologistes ont tenu leur rôle: ils ont ensemencé un immense champ de possibilités. C’est désormais aux sociétés de n’aller y moissonner que le bon grain. La révolution des biotechnologies convie l’humanité au rendez-vous crucial de la science et de l’éthique.
Pour celles qui concernent la reproduction humaine, comme pour les technologies en général, le cap à suivre découle du respect de trois principes fondamentaux et interdépendants: la dignité, la liberté et la solidarité.
Pour respecter la dignité humaine, chaque individu doit rester unique. Cette position a des conséquences immenses en matière de procréation humaine. Elle interdit d’abord le clonage à des fins de reproduction, puisque cette technique, imminente, consiste à «dupliquer» génétiquement un être existant.
Plus largement, prédéterminer les caractéristiques fondamentales d’un être à venir, en particulier pour chercher à «améliorer» ses futures capacités physiques ou intellectuelles, est contraire à l’essence même de chaque individu. Cette manipulation aboutirait, en effet, à le priver de ce qui n’appartient qu’à lui seul: l’alchimie mystérieuse qui préside à la naissance de son patrimoine génétique, unique, puis sa propre évolution, unique aussi, en fonction de ce patrimoine de départ et de son environnement.
Les progrès des tests prénataux et des thérapies sur l’embryon peuvent placer les parents face à des décisions aussi nouvelles que graves. Or, le risque existe qu’émergent, formellement ou non, des pressions de toutes sortes, voire même des règles pour que la vie ne soit donnée qu’à celles et ceux qui s’inscriraient dans une sorte de «génétiquement correct». Ce serait totalement inacceptable. Nul pouvoir, qu’il soit politique, moral, voire économique, ne peut prétendre édicter un tel «ordre génétique», encore moins l’imposer.
En conséquence, le principe de solidarité doit être affirmé avec encore plus de force. Il serait inacceptable que les thérapies génétiques dessinent une nouvelle ligne de discrimination entre ceux qui, pour quelque raison que ce soit, pourraient et voudraient en tirer parti, et ceux qui en seraient écartés, le plus souvent faute de moyens.
Le danger d’un génie génétique débridé, non contrôlé, est de plus en plus présent. Mais nous commençons à voir poindre un nouveau type de génie génétique, empreint de responsabilité, une nouvelle discipline dans laquelle le pouvoir de la science est assujetti au pouvoir de l’éthique. Une éthique au profit de tous et non point seulement de quelques-uns, au profit des générations futures et non seulement à court terme.
RD
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