dimanche 8 juillet 2007
Inde: la science facilite la sélection sexiste.
Auteur : R. Ramachandran, journaliste scientifique indien, New Delhi.
Source : http://www.unesco.org/courier/1999_09/fr/dossier/intro01.htm
Le fœticide des filles fait rage depuis des années en Inde. La nouvelle technologie qui permet de choisir le sexe des bébés va aggraver la discrimination.Un seul mot sur une enseigne indique une activité florissante: ultrasons. Cette technique de diagnostic par ondes sonores, qui permet de visualiser le fœtus, est d’usage courant dans les soins prénataux, mais en Inde l’enseigne a un sens caché. Contre rétribution, les médecins révèlent par échographie le sexe de l’enfant à naître, ce qui permet d’avorter en cas de résultat «négatif» – en clair: si c’est une fille.
Les cliniques ont adopté cette appellation déguisée depuis qu’une loi de 1996 interdit l’usage des examens prénataux à des fins de sélection entre les sexes. Les médecins n’ont le droit d’examiner le fœtus que pour détecter les maladies ou les anomalies génétiques et congénitales. La moindre allusion à son sexe les expose, en principe, à des poursuites judiciaires. Mais la loi fait meilleure figure sur papier que dans les faits, admet S.C. Srivastava, responsable de sa mise en œuvre au ministère fédéral indien de la Santé. Si les autorités reconnaissent que les infractions sont courantes, elles n’ont encore engagé aucune action en justice.
Les filles, «fardeaux financiers»
Le repérage du sexe du fœtus se pratique intensivement en Inde depuis les années 70, lorsque les médecins ont utilisé l’amniocentèse (analyse du liquide intra-utérin) à cette fin. D’après une enquête réalisée à Bombay en 1985, 90% des centres d’amniocentèse pratiquaient la détermination du sexe et près de 96% des fœtus féminins étaient avortés. Aujourd’hui, on préfère les ultrasons: 1 500 cliniques s’y consacrent dans le seul Pendjab, l’État du nord de l’Inde qui compte plus de 20 millions d’habitants. Le seul effet apparent de la loi de 1996 a été d’augmenter les honoraires des médecins: ils sont passés de 10 à 30 dollars la consultation, en raison du risque de sanction pénale.
Selon le Dr Sharada Jain, gynécologue renommé de New Delhi, les nouveaux équipements en ultrasons vont aggraver les choses. L’amniocentèse ne détermine efficacement le sexe qu’à partir de 16 ou 18 semaines de grossesse. L’échographie abdominale par ultrasons y parvient à 14 semaines, avec une précision de 90%. Mais la technique plus avancée des ultrasons transvaginaux – très utilisée à New Delhi et qui se répand ailleurs – est encore plus précise, à 12 semaines. Le fœticide des filles devient donc possible au premier trimestre, où l’avortement est plus simple et la sélection sexuelle moins soupçonnable, constate le Dr Jain.
Le cœur du problème, c’est l’attitude de la société indienne traditionnelle à l’égard de la femme, souligne le Dr Mira Shiva, de l’Association bénévole indienne pour la santé, à New Delhi. On voit les filles comme un fardeau financier, à cause de la dot qu’il faudra payer pour les marier. Tant que les préjugés et les violences contre les femmes seront tolérés, la loi prohibant la sélection sexiste restera lettre morte, estime-t-elle.
Avec un tel système de valeurs, quel accueil réservera-t-on aux nouvelles technologies génétiques qui permettent de choisir le sexe des embryons? Un institut américain a récemment soulevé un grand émoi: sa nouvelle technique, MicroSort, sépare le sperme porteur des chromosomes X (engendrant des filles) de celui porteur de chromosomes Y (garçons). Taux de succès annoncé: 93% pour les naissances féminines et 73% pour les masculines. Le coût de ce procédé (5 000 dollars aujourd’hui) devrait baisser et son introduction en Inde n’est, pour les médecins, qu’une question de temps. «Je pourrais facilement proposer ce service dans quelques mois, confie le Dr Anoop Kumar Gupta de l’IVF and Fertility Clinic de New Delhi. Si je le fais, des centaines de clients feront la queue dehors.»
Pour le Dr T.C. Kumar de la Hope Infertility Clinic de Bangalore, «le choix éthique est clair: présélection du sexe ou perpétuation du fœticide, de l’infanticide et du meurtre des filles. Changer la société, c’est long, très long. Pouvons-nous nous permettre d’attendre?». Le Dr Shiva ne partage pas cet avis: «Cette présélection ne fera que conforter l’attitude pathologique de notre société envers les femmes: discrimination et dénigrement.»
RD
Source : http://www.unesco.org/courier/1999_09/fr/dossier/intro01.htm
Le fœticide des filles fait rage depuis des années en Inde. La nouvelle technologie qui permet de choisir le sexe des bébés va aggraver la discrimination.Un seul mot sur une enseigne indique une activité florissante: ultrasons. Cette technique de diagnostic par ondes sonores, qui permet de visualiser le fœtus, est d’usage courant dans les soins prénataux, mais en Inde l’enseigne a un sens caché. Contre rétribution, les médecins révèlent par échographie le sexe de l’enfant à naître, ce qui permet d’avorter en cas de résultat «négatif» – en clair: si c’est une fille.
Les cliniques ont adopté cette appellation déguisée depuis qu’une loi de 1996 interdit l’usage des examens prénataux à des fins de sélection entre les sexes. Les médecins n’ont le droit d’examiner le fœtus que pour détecter les maladies ou les anomalies génétiques et congénitales. La moindre allusion à son sexe les expose, en principe, à des poursuites judiciaires. Mais la loi fait meilleure figure sur papier que dans les faits, admet S.C. Srivastava, responsable de sa mise en œuvre au ministère fédéral indien de la Santé. Si les autorités reconnaissent que les infractions sont courantes, elles n’ont encore engagé aucune action en justice.
Les filles, «fardeaux financiers»
Le repérage du sexe du fœtus se pratique intensivement en Inde depuis les années 70, lorsque les médecins ont utilisé l’amniocentèse (analyse du liquide intra-utérin) à cette fin. D’après une enquête réalisée à Bombay en 1985, 90% des centres d’amniocentèse pratiquaient la détermination du sexe et près de 96% des fœtus féminins étaient avortés. Aujourd’hui, on préfère les ultrasons: 1 500 cliniques s’y consacrent dans le seul Pendjab, l’État du nord de l’Inde qui compte plus de 20 millions d’habitants. Le seul effet apparent de la loi de 1996 a été d’augmenter les honoraires des médecins: ils sont passés de 10 à 30 dollars la consultation, en raison du risque de sanction pénale.
Selon le Dr Sharada Jain, gynécologue renommé de New Delhi, les nouveaux équipements en ultrasons vont aggraver les choses. L’amniocentèse ne détermine efficacement le sexe qu’à partir de 16 ou 18 semaines de grossesse. L’échographie abdominale par ultrasons y parvient à 14 semaines, avec une précision de 90%. Mais la technique plus avancée des ultrasons transvaginaux – très utilisée à New Delhi et qui se répand ailleurs – est encore plus précise, à 12 semaines. Le fœticide des filles devient donc possible au premier trimestre, où l’avortement est plus simple et la sélection sexuelle moins soupçonnable, constate le Dr Jain.
Le cœur du problème, c’est l’attitude de la société indienne traditionnelle à l’égard de la femme, souligne le Dr Mira Shiva, de l’Association bénévole indienne pour la santé, à New Delhi. On voit les filles comme un fardeau financier, à cause de la dot qu’il faudra payer pour les marier. Tant que les préjugés et les violences contre les femmes seront tolérés, la loi prohibant la sélection sexiste restera lettre morte, estime-t-elle.
Avec un tel système de valeurs, quel accueil réservera-t-on aux nouvelles technologies génétiques qui permettent de choisir le sexe des embryons? Un institut américain a récemment soulevé un grand émoi: sa nouvelle technique, MicroSort, sépare le sperme porteur des chromosomes X (engendrant des filles) de celui porteur de chromosomes Y (garçons). Taux de succès annoncé: 93% pour les naissances féminines et 73% pour les masculines. Le coût de ce procédé (5 000 dollars aujourd’hui) devrait baisser et son introduction en Inde n’est, pour les médecins, qu’une question de temps. «Je pourrais facilement proposer ce service dans quelques mois, confie le Dr Anoop Kumar Gupta de l’IVF and Fertility Clinic de New Delhi. Si je le fais, des centaines de clients feront la queue dehors.»
Pour le Dr T.C. Kumar de la Hope Infertility Clinic de Bangalore, «le choix éthique est clair: présélection du sexe ou perpétuation du fœticide, de l’infanticide et du meurtre des filles. Changer la société, c’est long, très long. Pouvons-nous nous permettre d’attendre?». Le Dr Shiva ne partage pas cet avis: «Cette présélection ne fera que conforter l’attitude pathologique de notre société envers les femmes: discrimination et dénigrement.»
RD
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