dimanche 8 juillet 2007

 

Allemagne: le poids du passé en eugénisme.

Auteur : Hartmut Wewetzer, journaliste à Berlin, Allemagne.

Source : http://www.unesco.org/courier/1999_09/fr/dossier/intro01.htm


L’idéologie eugéniste du passé nazi pèse de tout son poids sur les lois et les débats concernant les applications de la génétique humaine.

En Allemagne, on emprunte les chemins de la bioéthique sur la pointe des pieds. En 1997, l’annonce de la naissance de Dolly, la brebis clonée, a donné lieu aux spéculations les plus folles dans les médias. Taxé d’immoral, le clonage humain a immédiatement provoqué un véritable tir de barrage de la part de nombreux hommes politiques, chercheurs, représentants des Églises et écologistes. La loi allemande de 1990 sur la protection des embryons l’interdit d’ailleurs formellement.

Comment expliquer cette quasi-unanimité et les réactions à fleur de peau dès que l’on parle biologie, médecine et éthique? Comment comprendre le retard qu’accuse l’Allemagne en matière de «capacité à penser et à juger» ces questions, comme le souligne le bioéthicien Ludger Honnefelder? Il faut se remémorer les horreurs commises par les Nazis au nom de l’eugénisme: ces théories pseudo-scientifiques se sont développées dans les années 30; à partir de 1939, elles ont justifié, entre autres, l’élimination des juifs, des handicapés (100 000 «euthanasiés» en cinq ans) et des Tsiganes.

Au nom de la science et de «la race des seigneurs», des médecins et des généticiens se sont livrés à d’horribles expériences sur des «cobayes humains». «Ce sujet est resté tabou dans la communauté scientifique allemande jusqu’au début des années 80», rappelle Benno Müller-Hill, un généticien de l’Université de Cologne, auteur de Science mortelle (1984). On ne peut pas passer devant cet océan de sang et continuer son chemin comme si de rien n’était.» D’autant que la génétique moderne risque de faire naître de nouvelles formes de «racisme scientifique». Elle pourrait permettre, estime-t-il, de faire le lien entre des gènes influençant certains traits de caractère – comme l’agressivité – et une appartenance ethnique donnée, encourageant ainsi la discrimination.

Le passé national-socialiste pèse aussi sur la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe, que l’Allemagne refuse de signer. Pas assez restrictive, jugent de nombreux groupes politiques, religieux, écologistes et les associations de handicapés. Ils craignent, à l’instar du social-démocrate catholique Robert Antretter, «une résurgence du non-respect de la vie, tel qu’il a été pratiqué à l’époque du nazisme». Ils s’élèvent contre les dispositions de ce texte qui permettent, à certaines conditions, d’effectuer des recherches sur des personnes incapables de donner leur consentement (essentiellement les enfants et certains handicapés). Ils déplorent aussi que la recherche sur l’embryon n’y soit pas interdite, comme elle l’est par la loi allemande. Loin de s’atténuer, la résistance prend de l’ampleur au Parlement.«Nous nous complaisons dans des scénarios catastrophes»

En fait, seul le diagnostic prénatal semble échapper à l’anathème général. Les Églises ne le condamnent pas radicalement. Et pour Wolf-Michael Catenhusen, membre du SPD et secrétaire d’État à la Recherche, il importe que les individus concernés puissent décider librement de mettre ou non au monde un enfant handicapé. «Il ne faut pas oublier, précise-t-il, que suite à de tels examens, les appréhensions des parents sont infirmées dans plus de 90% des cas.»

La méfiance «historique» à l’égard de la génétique ne semble pas s’atténuer depuis l’arrivée au pouvoir, en 1998, de la coalition qui regroupe les sociaux-démocrates et les Verts. Ces derniers ont en effet une attitude critique vis-à-vis de la médecine et de la science modernes. «Les progrès de la biomédecine remettent en question l’idée même que l’on se fait de l’humain», estime Monika Knoche, l’experte des Verts en matière de santé.

De leur côté, scientifiques et industriels soulignent que l’Allemagne ne doit pas se laisser distancer par ses concurrents internationaux dans le domaine des nouvelles technologies. «Nous nous complaisons dans des scénarios catastrophes», avait un jour déclaré l’ancien chef de l’État Roman Herzog. Presque toutes les découvertes suscitent maintes interrogations sur les risques et les dangers encourus, mais bien peu sur les chances offertes.» Le génie génétique encore plus que les autres.

RD

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